CNV : principes de base (+ vidéo)

Marshall Rosenberg et sa marionnette-girafe

Très marqué par les émeutes raciales qui se sont déroulées aux Etats-Unis pendant son enfance, Marshall Rosenberg (1934-2005) a cherché à comprendre l’origine de la violence, et surtout à trouver des moyens d’y remédier. Inspiré par le travail de Carl Rogers, et par le concept de l’Ahimsa (Gandhi), il a créé le processus de la  CNV  (Communication Non Violente).

Loin d’être une notion seulement théorique, la CNV a été appliquée avec succès dans des multiples situations de conflits, depuis des mésententes familiales jusqu’à des régions touchées par la guerre comme le Rwanda, l’Irlande, la Palestine ou Israël.

2 notions-clés : le ressenti et les besoins de chacun.

Si je devais définir la CNV en deux phrases, je dirai que:

Première phrase : Toute communication non violente doit absolument prendre en compte :

1.       le ressenti

2.       les besoins

de chacune des personnes concernées (y compris soi-même).

Et deuxième : il est fondamental de ne pas confondre besoin et stratégie. (La différence est expliquée plus bas)

Vous trouverez ici une liste des sentiments et des besoins .

Attention, le mot « besoin » en CNV a un sens très différent du langage courant, où il est facilement confondu avec « souhait, désir, et même exigence ». On va préciser sa signification ci-dessous.

Les besoins

Chaque fois que l’on croit énoncer un besoin, dans l’intention d’avoir une communication réellement non violente, il est important de garder en tête les points suivants :

Les besoins sont indépendants des personnes, des objets, et des situations.

Dire « J’ai besoin que tu fasses ceci ou cela »  n’est pas du tout l’expression d’un besoin, au sens de la CNV. C’est un désir, et même souvent un ordre, pas du tout un besoin.

Au fond, cette phrase s’exprime en réalité ainsi : « J’ai besoin que tu fasses ce que je veux, tu n’es pas gentil si tu ne le fais pas / dans ce cas, je « serai contraint » de bouder, ou te punir / t’embêter / te taper, etc. »

A cela, d’ailleurs, l’autre répondra probablement une variante de « J’ai besoin que tu me laisses tranquille, tu n’es pas gentil si tu ne le fais pas / dans ce cas, je « serai contraint » de bouder, ou te punir / t’embêter / te taper, etc. »

On voit tout de suite que ce genre de communication (violente !) peut durer des années… C’est d’ailleurs ce qui se passe presque partout dans le monde.

Des exemples :

Vous n’avez pas besoin de 3 villas au bord de la mer, mais en les désirant, vous cherchez sans doute à combler votre besoin de reconnaissance, et celui de vous sentir valorisé et respecté.

Votre relation à votre conjoint n’est pas un besoin en elle-même, mais je vous souhaite que cette relation comble souvent votre besoin d’amour, de tendresse, de partage, de complicité.

 

 

Les BESOINS sont différents des STRATEGIES

Les stratégies sont des moyens qui permettent de satisfaire des besoins.


Un exemple : dans votre habitation, vous souhaitez entre autres satisfaire vos besoins de sécurité.

Pour certains, le besoin de sécurité sera satisfait par des voisins sympathiques et solidaires, pour d’autres il ne le sera qu’avec des chiens de garde et un abri antiatomique.

Ici, le besoin (être en sécurité) est le même, les stratégies sont différentes.

3 grandes catégories de besoins

On a vu plus haut des longues listes de sentiments et de besoins.

Pour simplifier, on peut répartir les besoins en trois grandes catégories :

  • sécurité,
  • expression de soi,
  • communiquer, donner / recevoir. 

Souvent, on hésite à se sentir bien avec notre besoin de donner / recevoir. On a souvent dit que donner avec plaisir, c’est chercher à se faire bien voir, et que recevoir avec plaisir était un peu louche, comme une vague forme d’égoïsme.

Stop à cette culpabilité absurde ! J’aime considérer chaque être humain comme une petite cellule de l’humanité, chaque être vivant comme une petite cellule de l’Univers. Et quels sont les besoins des cellules, celles de notre corps, par exemple ? Elles ont, comme nous, besoin de :

  • sécurité (il est nécessaire qu’elles vivent leur vie dans des conditions correctes)
  • expression de soi (elles ont besoin d’exercer leur fonction spécifique : une cellule du foie n’a pas le même rôle qu’un neurone ni un globule rouge)
  • communiquer, donner / recevoir (toutes les cellules sont des lieux d’échange : sang, lymphe, information, oxygène, énergie…).

 

Prendre en compte les besoins de tous

Pour qu’une discussion ait des chances d’aboutir à des résultats durables, et pacifiques à court et à long terme, il est indispensable de connaître clairement vos besoins, et celui des personnes concernées par la situation.

Et : les écouter vraiment, les prendre en compte vraiment, pas « à peu près ». Une fois les besoins de chacun clairement énoncés et compris par tous (contrairement aux apparences, c’est l’étape la plus difficile), la discussion portera alors sur le choix des stratégies qui permettront de les satisfaire pleinement. J’y ajoute : les stratégies dont le résultat sera que vos yeux à tous brillent en pensant à cette solution, que votre corps à tous dise oui à cette idée (langage du corps, ressenti physique, sensations).

Vous vous dites que n’est pas possible ? Et si ce n’était qu’une croyance de plus…
Vous pouvez l’effacer avec l’EFT : « Même si une partie de moi a la croyance que ce n’est pas possible, je m’ouvre à l’idée que nous pouvons tous (moi y compris) trouver une solution qui nous convienne vraiment, et avoir les yeux qui brillent en y pensant… »

 

 

OSBD : une formule magique ?

Oui, mais à condition de ne pas l’employer n’importe comment. J’explique.

On affirme souvent dans les initiations à la CNV que nous devons nous exprimer en termes de OSBD :

  • Observation (Objective) : ex. « tu as eu une demi-heure de retard à notre rendez-vous » au lieu de « tu es toujours en retard ! »
  • Sentiments / ressenti / émotions : ex. « J’étais inquiète » au lieu de « tu ne te rends pas compte de l’état où tu m’as mise ! »
  • Besoins : ex. « J’ai besoin d’être rassurée, j’ai besoin de pouvoir m’organiser », au lieu de « tu ne te rends pas compte de l’état où tu m’as mise ! Et en plus à cause de toi et tes retards continuels, tous mes rendez-vous seront décalés ».
  • Demande : « Je te demande d’accepter que nous n’avons plus que peu de temps pour nous voir aujourd’hui, et je te demande d’essayer d’être à l’heure la prochaine fois ».

En fait, il est essentiel d’être très clair dans notre tête à propos de ces quatre points (on y a retrouvé les deux points fondamentaux : ressenti et besoins). Mais il est tout aussi essentiel de ne pas les réciter bout à bout !

Je l’ai fait, il y a longtemps… mauvaise idée. Puis j’ai enfin compris ce B-A  BA de la CNV grâce à cette superbe vidéo d’Isabelle Padovani :

 

 

Quand l’OSBD devient très pénible

Imaginez … Vous dites : « Quand tu as eu une demi-heure de retard à notre rendez-vous, je me suis sentie inquiète, parce que j’ai besoin d’être rassurée, et de pouvoir m’organiser (pire : « parce que mes besoins de sécurité et de structure n’étaient pas satisfaits »); en conséquence, je te demande d’accepter que nous n’avons plus que peu de temps pour nous voir aujourd’hui, et je te demande d’essayer d’être à l’heure la prochaine fois ».

Le OSBD est tout à fait exact dans cette formulation. Mais : vous vous êtes tellement ennuyée en faisant votre petit discours que vous êtes tombée endormie avant la fin. Pas grave : votre interlocuteur avait déjà pris la fuite !

 

Sérieusement : ces 4 points sont des repères très clairs. Des points de repère pour nous, des garde-fous pour nous éviter à tous de repartir dans nos réflexes conditionnés (« Tu es méchant ! Voilà ce que je t’ordonne de faire »). Nos conditionnements nous amènent immanquablement à des jeux de pouvoir, des jeux de qui-va-être-assez-« fort »-pour-imposer-sa-volonté-à-l’autre.

La « formule » OSBD nous aide à rester centrés sur :

  • 1. le point qui nous pose problème maintenant : observation objective (pas : ramassis de rancunes mal digérées, accumulées depuis 20 ans)
  • 2-3. l’effet que ce problème fait à toutes les personnes concernées (effet différent pour chacune : ressentis, besoins non satisfaits)
  • 4. les stratégies que nous proposons (demandes), en étant sincèrement prêts à les modifier pour les adapter aux propositions de l’autre. Jusqu’à avoir trouvé une solution qui satisfasse pleinement TOUTES les personnes concernées : je l’ai répété tout au long de cet article, parce que c’est vraiment l’idée de base de la CNV… et le seul moyen de vivre enfin dans un monde en paix.

 

Girafes et chacals

Vous avez vu la marionnette-girafe de Marshall Rosenberg, au début de cet article ? Il en a une autre, qui représente un chacal. Elles illustrent les deux formes de langage possible, et l’humanité utilise encore l’une beaucoup plus souvent que l’autre, malheureusement…

 

CNV , chacal et girafe
Marshall Rosenberg en pleine action… J’aime tellement les gens qui sont à la fois super profonds, ET pleins d’humour.

 

Langage girafe

Le langage girafe, c’est le langage du Coeur, celui de la CNV bien comprise : il exprime une intention claire de respect de toutes les personnes concernées (y compris soi-même), l’intention de ne faire violence à aucune d’entre elles, ni même à des parties de nous et d’elles. C’est le langage de l’Ahimsa, celui qui crée un espace où aucune violence n’est possible.

Pourquoi « girafe » ? Parce que la girafe est l’animal terrestre qui a le plus gros coeur, des oreilles tournées vers l’extérieur, et aussi parce qu’elle peut prendre plus de « distance » que les autres face aux événements.

 

Langage chacal

C’est le langage le plus fréquent, celui qu’on a entendu des milliers de fois, celui qui injurie, qui dévalorise, qui donne des ordres. On en a tellement l’habitude qu’on ne l’entend même plus. On ne se rend même pas compte quand on l’emploie, c’est un véritable réflexe conditionné : d’où l’utilité du « garde-fou » OSBD, qui nous permet de réajuster notre langage, le plus souvent possible.

Pourquoi « chacal » ? Marshall Rosenberg dit qu’il n’y a pas de raison particulière, seulement  le mot « jackal » (« chacal », en anglais) lui paraissait avoir une sonorité appropriée. Et puis tout de même, le chacal mord, et ses cris sont généralement le glapissement, le hurlement et l’aboiement. « Toute ressemblance avec des humains existant ou ayant existé serait purement fortuite », bien sûr.

 

« Traduire » le langage chacal / mettre nos oreilles de girafe.

Marshall Rosenberg affirme que tout ce qu’on peut entendre, à condition d’avoir des « oreilles de girafe », se résume à « merci », et « s’il te plaît ».

– Vraiment ? Ce n’est pas évident, à priori. Tu veux que je te raconte ce que m’a dit Untel l’autre jour ? Je te jure que ce n’était ni « merci » ni « s’il te plaît ».

Pourtant, explique le créateur de la CNV : « Toute critique, toute agression est l’expression d’un besoin non satisfait ». « Traduire le langage chacal » revient à tenter de repérer les besoins non satisfaits derrière le discours peu aimable de cet « animal ».

– Et si on se trompe ? Il va hurler encore plus ? Il va encore mordre ?

– Possible. Mais possible aussi qu’à force, il perçoive l’empathie dont on fait preuve (à condition bien sûr qu’elle soit sincère… et qu’elle le reste, malgré les coups de griffes répétés.). Je n’ai jamais dit que c’était facile; mais toutes les autres solutions sont encore pires !

Pour se réconforter un peu, on peut se rappeler qu’un chacal cherche toujours (au moins inconsciemment) des oreilles de girafe pour l’aider à décoder ce qu’il tente d’exprimer. Car « les chacals ne sont que des girafes qui ont un gros problème d’articulation »…

 

La CNV est-elle seulement une façon de parler ? Nooon !!!

Issâ Padovani l’explique dans cette magnifique vidéo : « La CNV n’est pas une manière de parler ! »

C’était une réponse à une vidéo où il est dit : « Le but de la CNV, ce n’est pas de changer ce qu’on pense, c’est de changer comment on le dit ». Cette vidéo apporte quelques compléments à ce qui a été écrit plus haut.

Issâ  redit qu’il n’est pas question de parler en mode OSBD (voir plus haut). OSBD est un mode de communication INTERNE, pas fait pour communiquer avec d’autres.  Il s’agit de différenciations clés, il faut démêler ce qui se passe en nous.

 

Nouvelles clarifications sur l’OSBD

L’observation consiste :

  • à dire aussi objectivement que possible ce qu’on observe à l’extérieur (exemple : Cécile est passée devant moi sans me parler)
  • ET ce qu’on se dit devant cet évenement, donc ce qu’on observe à l’intérieur (suite de l’exemple : elle n’a pas voulu me parler). Sans se juger pour cela : ces observations sont le terreau qui permettra de mieux se comprendre. Il s’agit d’une alchimie intérieure, pas d’agir « bien » ou « mal ».

Les sentiments : beaucoup d’entre eux sont des évaluations cachées (« je me sens trahie » = l’autre vient de me trahir) ; faire attention à ce qui nous appartient spontanément ou pas. [une remarque perso, même si ce que je propose n’appartient pas aux listes de sentiments qu’on apprend en CNV : j’aime bien dire « La situation réactive ma blessure de trahison, ma peur de ne pas être aimée, la croyance de parties de moi que « les gens ne sont pas gentils » etc.
En disant cela, je prends la responsabilité de ce qui se passe en moi, même si je ne peux pas le formuler en termes de « je ressens ».

Les besoins : ce terme me gênait aussi, Issâ confirme qu’en anglais, le mot « need » n’a ni le sens de « être dans le besoin », ni celui de « faire ces besoins ». Il propose de remplacer l’expression de « besoin » par « J’aime vivre ». Et il précise qu’on ne « nourrit » pas ses besoins, mais que nos besoins sont rejoints ou pas, c’est différent. Donc, la question devenait « Qu’est-ce que j’aime vivre avec Cécile ? ». Les réponses arrivent, c’est ce qu’on qualifiait de « besoins ».

La demande : Issâ rappelle une notion bien connue en CNV. On ne distingue une demande d’une exigence que par la réaction qu’on a quand l’autre nous dit non. Il s’agit d’être clair avec cette éventualité, pas de parler « avec du miel sur la bouche » tout en étant prêt à se fâcher si on n’obtient pas ce que l’on souhaite.

Issâ conclut son exemple de « Cécile est passée devant moi sans me parler » par une phrase toute simple « Bonjour Cécile, tu ne m’avais pas vu tout à l’heure ? ». Cette phrase, dite sans arrière-pensée ni émotions réprimées, c’est l’aboutissement du processus OSBD qu’il a fait intérieurement.

 

Puissance ou violence ?

Il est nécessaire de reconnaître notre violence intérieure. Et de ne pas avoir de violence envers soi, pas plus qu’envers les autres.

La CNV n’empêche en rien d’exprimer ses limites : « je n’accepte plus ton comportement ; je te souhaite le meilleur, mais nous ne pouvons plus continuer de cette manière (en précisant clairement laquelle) ».

Une colère compensatoire est signe qu’on s’est trop censurée : ce n’est pas idéal, mais il vaut mieux avoir ressenti cela en amont.

 

EFT, CNV, et tennis de table

Je voulais écrire un article qui présente (très) rapidement la CNV, et finalement, il n’est pas si court que ça. Mais la CNV est un domaine tellement vaste ! et tellement passionnant, et tellement utile…

Pourtant, comme pour l’EFT (et le tennis de table !) on n’a presque rien à savoir pour commencer à pratiquer. Pour l’EFT, il faut connaître les points, pour le ping-pong, il faut savoir que la balle doit toucher la table et la raquette, et on peut déjà commencer à se faire plaisir ! Après, reste à se perfectionner, à découvrir et apprendre des notions complémentaires, et ça c’est une autre histoire.

Mais j’aime les techniques où « c’est en forgeant qu’on devient forgeron », j’aime moins celles où il faut des années d’études théoriques avant d’expérimenter dans le réel.

Et pour la CNV ? 

Pour la CNV :

  • quand on tente d’identifier et de prendre en compte : notre ressenti / nos besoinsle ressenti de l’autre et ses besoins, 
  • qu’on ne confond pas besoin et stratégie,
  • et qu’on intègre de plus en plus que tout chacal est une girafe qui s’ignore

on dispose déjà d’outils fantastiques.

Après… comme pour la CNV, l’EFT et le ping-pong, plus on pratique, plus on apprend, plus on se perfectionne, plus on découvre de subtilités, et plus on trouve ça magique.

Et en plus, en ce qui concerne l’EFT et la CNV, ça peut vraiment changer le monde...

 


 

 

 

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