En découvrant l’œuvre architecturale de Cesar Manrique, au cours d’un séjour à Lanzarote, j’ai été fascinée par son intention très forte d’harmoniser les œuvres humaines avec la nature, et de regarder positivement et avec amour une île vue jusque là comme « le vilain petit canard » de l’archipel paradisiaque des Canaries.
J’ai décidé d’écrire cet article après avoir vu un documentaire sur lui, où figuraient les citations suivantes :
- « Construire un paradis dans les ruines de l’enfer »
- « Une seconde est l’éternité, l’éternité est une seconde »
- « On peut faire Plus avec moins »
- Et, d’un autre artiste à propos de l’œuvre de Manrique : « Il m’a appris à voir ce que je ne savais pas voir ».
Les ruines de l’enfer
L’enfer, les habitants de Lanzarote l’ont vécu, de 1730 à 1736, et dans une moindre mesure au cours des années suivantes. « Le 1e septembre 1730, entre 9h et 10h du soir, la terre s’est ouverte à Timanfaya, et une énorme montagne s’est élevée hors du sol. De son sommet, s’échappèrent des torrents de lave qui continuèrent à brûler pendant 19 jours » (premières lignes d’un compte-rendu fait par le curé de Yaiza, à quelques kilomètres de Timanfaya).
Il en est resté un paysage hallucinant : le tiers de l’île est recouverte de lave noire et coupante, évidemment inhabitable.
Seuls subsistaient dans le Nord et sur les côtes des zones peuplées de pêcheurs ou d’agriculteurs, ces derniers travaillant dans des conditions particulièrement difficiles, devant protéger la végétation du vent qui souffle presque en permanence.
Cesar Manrique (1919-1992)
Cesar Manrique est né à Arrecife, la capitale de Lanzarote, une île qui aura une influence décisive sur sa vie et son œuvre.
Il réside plusieurs années à Madrid (études à l’académie des Beaux-Arts, puis nombreuses expositions de peinture abstraite.). Puis il approfondit son style non figuratif, à travers une activité plastique variée (peintures et sculptures, toutes caractérisées par l’expérimentation de la matière et des couleurs). Puis il vit successivement à Paris, puis à New York, où il participe intensément aux milieux artistiques de ces deux villes.
C’est en 1966, âgé de 46 ans, qu’il retourne s’installer définitivement à Lanzarote.
« Il ne faudra que vingt ans à Manrique pour faire de sa terre natale un modèle de développement durable, un laboratoire unique au monde, une œuvre d’art. La démonstration grandeur nature qu’il est possible de concilier tourisme, écologie et projet artistique – ce qui lui vaut aujourd’hui d’être classée dans son intégralité « Réserve de biosphère » par l’Unesco.
Une distinction dont chacun sur l’île s’enorgueillit, sans jamais oublier que son principal artisan n’est autre qu’un artiste entêté, porté par une vision qu’il qualifiait lui-même d’utopie ».
(extrait d’un article du Monde : « L’ïle canarienne de Lanzarote, rêve d’un artiste visionnaire ». Vous y trouverez aussi plusieurs superbes vidéos).
Le paradis sur les ruines de l’enfer
L’art (et l’amour !) sont dans le regard qu’on porte sur le monde.
Manrique a su voir la beauté dans cette île « maudite », et souffrait de la vision dévalorisante que tant de gens avaient de Lanzarote.
“Dans mon enfance, se souvient l’artiste, venir de Lanzarote était considéré comme une honte. L’île était un peu la Cendrillon des Canaries.”
A une période où partout ailleurs, l’ « industrie touristique » se développait sans souci de l’environnement, il a su promouvoir sur l’île un modèle d’intervention respectueux de son patrimoine naturel et culturel.
Manrique publie en 1974 un livre-catalogue « Lanzarote, arquitectura inedita », dans lequel il rassemble les différents éléments architecturaux de l’île, dans le but de protéger l’architecture locale. L’ensemble de ses interventions ont été déterminantes, si bien qu’en 1993, Lanzarote fut déclarée « Réserve de la Biosphère » par l’Unesco.
Et cet amoureux de la nature a même réussi à faire interdire les panneaux publicitaires sur toute l’île ! Quel plaisir de contempler des paysages que les pubs ne défigurent pas…
« Parallèlement à son engagement envers le territoire insulaire, César Manrique a élaboré un nouvel ensemble d’idées esthétiques, qu’il appelle Art-Nature / Nature-Art. Il y défend le concept d’art total dans lequel la peinture, la sculpture et l’architecture s’intègrent dans des espaces choisis de la nature, auxquels s’adaptent les interventions de l’artiste ». (résumé de la brochure de la Fondation Cesar Manrique).
Vous trouverez beaucoup d’autres réalisations de César Manrique à Lanzarote en cliquant sur les liens suivants:
Ressusciter une île, dévastée par des éruptions volcaniques, et dévalorisée par tous…
Impressionnant, non ?
Cela donne tellement d’espoir sur les possibilités de chacun de contribuer à changer le monde. Et sur nos possibilités, aussi, d’améliorer notre propre vie.
Quand les humains respectent la Nature …
Malgré la beauté des cathédrales et des églises, on ne peut s’empêcher de penser aux centaines d’arbres coupés pour leur réalisation…
La conception de l’art de Cesar Manrique me rappelle celle des temples bouddhistes : ces édifices sont implantés en tenant compte, bien sûr, de l’énergie du lieu, mais en respectant au maximum l’ensemble du paysage. Ou davantage encore : les minuscules temples shintoïstes, placés dans des endroits magnifiques, et constitués seulement d’un autel et d’un torii, porte délimitant l’espace sacré.
Encore plus minimalistes : les forêts sacrées en Afrique, les clairières où se réunissent les « sorcières » les soirs de pleine lune (« sorcière » au sens positif que leur donne la Wicca : celles qui pratiquent la magie blanche, des guérisseuses proches de la Nature), la place du village où interviennent les chamanes et les Sociétés des Masques.
Et vous, auriez-vous envie d’évoquer d’autres lieux, où les œuvres humaines et la Nature s’enlacent ainsi avec Amour ?
J’aimerais beaucoup que vous en parliez dans les commentaires.