Tant de gens se croient égoïstes, méchants, parce qu’ils n’ont pas le même souhait que leurs parents, leur conjoint, et que cette différence de point de vue fait l’objet de disputes incessantes, ou de frustrations rentrées jusqu’à l’étouffement.
C’est ce que ressentent des parties de vous ? Dans quelles circonstances, et à combien entre 0 et 10 ? Il ne s’agit pas forcément de « vous en entier ».
Vouloir être libre, faire ce qui fait vraiment vibrer, réaliser son projet de vie, c’est réellement être égoïste, ne pas tenir compte de ses proches ?
N’y a-t-il pas d’autres solutions que la résignation ou la révolte ?
Bien sûr que si ! nous y réfléchirons à travers l’exemple de Sophie, déchirée entre son Rêve, et les récriminations de ses parents.
Exemple :
Sophie, 18 ans, est issue d’une famille de fonctionnaires ; ils souhaitent qu’elles suivent le même chemin. Pas de chance, depuis sa toute petite enfance, son Rêve, c’est d’être chanteuse.Je parle ici d’un vrai Rêve, d’un Projet de Vie profond. Il ne s’agit pas de l’expression d’une « crise d’adolescence », où Sophie ferait partie d’un groupe où des jeunes hurlent leur désespoir sous forme de vociférations agressives ; ni d’un fantasme de gamine piégée par les sirènes de la mode et du showbiz.
Chaque fois qu’elle part rejoindre son groupe de musiciens, ses parents la bombardent de remarques : « c’est de l’inconscience, tu n’as aucun avenir là-dedans, arrête de rêver ! ». Et quand elle s’affirme, disant que son Rêve à elle, c’est la musique, c’est pire : « Regarde à quel point tu es égoïste, tu ne tiens pas compte de nous, tu vas nous faire mourir d’angoisse ! ».
Mais qui est « égoïste », dans cette histoire ? Qui ne tient pas compte du désir des autres ?
Si on tenait à employer un mot aussi culpabilisant, on pourrait dire que les égoïstes sont surtout les parents. Ils ont un projet pour Sophie ; si elle en sort, ça les angoisse, et ils sont prêts à (presque) tout pour ne pas ressentir cette angoisse, y compris à briser ses Rêves les plus chers. Ils les qualifient d’utopiques pour éviter de les prendre en compte même quelques secondes.
C’est important de retourner (provisoirement) ces jugements de valeurs, dans une sorte de « C’est celui qui dit qui est ». Juste le temps que Sophie s’aperçoive que non, ce n’est pas de l’égoïsme de vivre ce qui la fait vibrer.
Après cette prise de conscience, on peut trouver plus constructif que de s’injurier mutuellement. La CNV a bien mieux à nous proposer.
Les bases de la CNV (Communication Non Violente)
En quelques mots : il est fondamental de prendre en compte :
1. le ressenti
2. les besoins de chacune des personnes concernées : les besoins sont indépendants des personnes et de la situation concrète. Il existe 3 grandes catégories de besoins : sécurité, expression de soi, donner / recevoir.
Ne pas confondre « besoin » et « stratégie » : les stratégies sont les moyens qu’on emploie pour combler des besoins.
Vous trouverez une présentation bien plus détaillée de la CNV en cliquant ici.
Explications, à travers l’exemple de Sophie et ses parents.
Ressenti et besoins des parents :
– leur ressenti : ils sont inquiets pour Sophie et pour eux-mêmes; ils souhaitent réellement qu’elle soit heureuse, et qu’elle ait une bonne relation avec eux.
– Ils ont besoin : de sécurité dans leur relation avec elle, de pouvoir dialoguer avec elle, même si pour le moment, ils conçoivent surtout un « dialogue » à sens unique. Leur croyance inconsciente est que, comme ils sont les parents, ils savent mieux que leur fille ce qui est bon pour elle.
Il est important de voir la beauté de leur intention originelle : ce qui sous-tend leur ressenti et leurs besoins, c’est l’amour qu’ils ont pour leur fille. Même si cet amour ne s’exprime pas de la meilleure manière…
Le problème : c’est qu’ils n’envisagent qu’une seule stratégie : qu’elle soit fonctionnaire, pour avoir la sécurité de l’emploi, du salaire, etc. C’est leur représentation du bonheur.
Ressenti et besoins de Sophie :
– son ressenti : elle est frustrée, au point d’être en colère permanente. Elle se sent incomprise, et triste (en-dessous du couvercle de la colère) de sa mésentente avec ses parents.
– Elle a besoin : de liberté, de pouvoir s’exprimer en réalisant son Rêve ; besoin aussi de communication saine, où elle est comprise, entendue, dans son souhait. Ce qui ne veut pas dire : mettre ses parents au pas pour qu’ils approuvent sans discuter ce qui lui paraît juste. Seulement pouvoir parler de ce qui la fait vibrer, à des gens importants pour elle. Il est souhaitable que ses parents continuent à en faire partie…
Le problème, c’est qu’elle aussi finit par ne plus avoir qu’une stratégie : se boucher les oreilles à tout discours parental, et foncer tête baissée vers ce qui est de moins en moins le Rêve de son Être Profond, mais un entêtement purement réactionnel.
Conséquence probable : Sophie va foncer vers le premier miroir aux alouettes venu, un imprésario véreux qui lui promettra monts et merveilles ; ou s’obstiner sans réfléchir et finir à la rue… ou finir fonctionnaire, en désespoir de cause.
Le problème n°1 de la CNV
Le plus difficile à résoudre en CNV, c’est que les personnes concernées comprennent vraiment leurs propres besoins, et celui des autres. C’est plus complexe qu’il ne le paraît, mais c’est fondamental pour une résolution de conflits véritablement pacifique ; autrement, il ne s’agit que de jeux de pouvoir et de loi du plus « fort ».
Ce que certains appellent leur « besoin », c’est que l’autre se comporte autrement, en fait qu’il se comporte exactement comme ils le souhaitent.
Ce n’est pas un besoin, c’est une stratégie… et il est clair qu’elle ne fonctionne pas.
Des solutions ?
Bien sûr, il y en a. L’EFT, alliée à la CNV, me paraît une combinaison d’outils incroyablement simples et puissants.
Pour que chacun puisse prendre conscience de ses propres besoins, et puisse s’ouvrir, au moins un peu, aux besoins de l’autre, il faut d’abord qu’il se soit libéré de sa colère : on rappelle que la colère n’est qu’un couvercle qui dissimule d’autres émotions. Ressasser que l’autre est « méchant », et qu’il « devrait » être autrement, n’est que de la perte de temps (voir l’article : « Les phrases négatives en EFT : très utiles, mais pas toutes ».).
Ce qui amène, très schématiquement, à plusieurs étapes :
– Se libérer de sa colère, par quelques rondes d’EFT, chacun de son côté, bien sûr.
Côté Sophie : « Même si mes parents ne comprennent rien, et qu’ils m’éneeeervent, et qu’ils ne pensent qu’à briser mes rêves, comme ça, par pure méchanceté… ».
Côté parents « Même si elle est exaspérante avec sa crise d’adolescence interminable, qu’elle fait toujours la g…, qu’elle est agressive, qu’elle est insupportable avec ses caprices irréalistes… ».
– La plupart du temps, 3-4 rondes plus tard, ça va déjà mieux : une partie de l’énergie bloquée s’est dissipée, et on peut commencer à voir le problème avec un regard neuf. Autrement, c’est qu’on est en train de tourner en rond : il est alors urgent de se rappeler qu’une émotion importante se cache sous cette colère.
– Retrouver ses véritables besoins (je rappelle que la notion de besoin est l’une des idées-clés de la CNV) : ils sont encore tellement enfouis sous des années de blessures, qu’il est difficile de les trouver. Là encore, l’EFT va aider.
Côté parents : « Même si je ne sais même plus ce que je veux, que je ne crois plus à rien dans ma relation avec elle, que des parties de moi la détestent et que d’autres souhaitent tellement la prendre dans mes bras, je peux envisager qu’un jour, peut-être, il soit envisageable qu’un jour, notre relation s’améliore au moins un peu » (pour que cette phrase alambiquée fasse sens, voir « Pensée presque positive »).
Côté Sophie : « Même si je ne sais même plus si mon rêve c’est de chanter ou d’embêter mes parents pour tenter de m’en protéger, il est imaginable que je retrouve ce qui me fait vraiment vibrer. ».
Une façon de retrouver ses véritables désirs et besoins, c’est de faire les listes présentées dans cet article (il concernait au départ la recherche du métier idéal, mais il est en fait généralisable à bien plus de situations).
Après avoir bien expérimenté la notion de besoin, en ayant cerné ses besoins propres, concernant la situation, Sophie et / ou ses parents pourront imaginer un peu les besoins de l’autre, pour préparer la discussion en étant capable d’être à son écoute. On crée ainsi une ouverture, un dialogue, où l’autre se sent respecté, même si on se trompe.
Si l’une des trois personnes concernées est seule à faire ce travail, ça sera un peu moins facile, mais cela peut déjà avoir une influence décisive.