La rencontre
Un jour, j’ai appelé l’Argent.
Comme j’avais appris à faire, j’ai crié mentalement « Argent, argent ! Viens vite ! Argent ! ». Je m’apprêtais ensuite à visualiser de façon très compliquée, très concentrée, tout ce qui se passerait quand il allait arriver : le compte en banque qui se remplit, les travaux de la maison terminés, les voyages, les restaus, moi en train d’aider mes proches, etc. Tout l’attirail préconisé dans les visualisations. Sérieusement, intensément.
– « Argent, argent !!! »
J’ai alors vu un petit lutin qui se bouchait les oreilles. Il tenta de couvrir mes hurlements :
– ça va ! arrête de crier ! Je ne suis pas sourd ! Et puis tu me donnes mal à la tête avec tes visualisations compliquées. Tu t’amuses, en faisant ça ? Tu n’en as vraiment pas l’air.
– Euh… J’avoue, ça ne m’amuse pas tellement. Mais j’ai lu que c’est ce qu’il fallait faire. Il y a des gens pour qui ça marche, apparemment. Et la preuve que ça marche, c’est que tu es là.
Un peu de légèreté … enfin
– LOL ! Je suis venu parce qu’il y avait ENFIN un peu de légèreté dans ta façon de faire. ENFIN une petite faille dans l’abominable cuirasse de sériosité-morosité-pasdrôlitude que tu mets chaque fois que tu penses à moi. Au fait, ça t’amuse, de faire tes comptes ? 😉
– Oh la la, non ! C’est encore pire que de visualiser, bien pire. D’ailleurs je ne les fais que quand je ne peux vraiment pas faire autrement. Et encore le minimum…
– Tu as vu sur quel ton tu me parles ? Et quelle tronche tu me tires ? Comment veux-tu que je vienne te voir quand tu fais ça ?
– Hein ? … Qu’est-ce que tu veux dire ?
– C’est évident pourtant. Quand tu fais tes comptes, tu communiques avec moi. Tu me confies tes rêves, tes projets. Tu me dis ce que tu souhaites qu’on fasse ensemble, à quoi tu veux qu’on joue dans le Jeu de la Vie. Enfin, j’aimerais bien que tu fasses ça, parce que pour le moment, tu en es loin.
Tu râles, c’est tout. Et tu me fais des reproches. Tu dis que je ne suis pas assez présent, que le peu que je te donne sert à payer les impôts, les taxes, les Zaffreux qui vous dirigent, bref, tu râles. Alors, je n’ai pas envie d’aller vers toi. Tu as envie, toi, d’aller vers les gens qui te font des reproches tout le temps ?! Ben non, et moi c’est pareil.
Mais maintenant je suis là : grâce à la toute petite faille dans ton abominable cuirasse de rouspétances. Ne la rebouche pas, s’il te plaît !
Je reviens bientôt. Pour le moment, tu as besoin de « digérer » notre rencontre.
La gratitude
Le petit lutin est revenu. Il me fixe d’un air gentiment ironique.
– ça y est, tu n’es plus fâchée ? Tu ne vas pas me faire de reproches, aujourd’hui ?
– Promis, non. Mais j’ai des questions plein la tête…
– Plein la tête ? J’aimerais mieux « plein le coeur », et ça ne serait pas des questions. Mais bon, tu fais des efforts de dialogue, je vais en faire aussi. Je t’écoute.
– Dans les livres, on parle toujours de « gratitude ». Et moi, je n’aime pas cette idée. En effet, dire « merci » fait penser à l’origine de ce mot : « Mercy » voulait dire « Pitié », on l’utilisait dans les combats du Moyen-Âge. Pour dire qu’on se soumettait.
Et puis il y a eu aussi tant de fois où on m’a ordonné : « dis bonjour à la dame », « dis merci », alors que je n’en avais pas envie du tout. Ne me fais pas une leçon de morale sur la politesse, c’était mon ressenti du moment, et j’aurais aimé qu’on le prenne en compte.
Donc si « être dans la gratitude » veut dire « se soumettre », moi je ne veux pas, na ! La gratitude me gratte, na ! Et très fort, en plus.
– OK, OK ! Je n’ai aucune envie que tu te prosternes à mes pieds !
Puisque tu veux faire de l’étymologie, on y va. Et tu vas voir, ça va vraiment te plaire.
Etymologie de « gratitude »
« Gratitude » est apparenté au mot « gré », et vient de « gratus », agréable. Plutôt sympathique, non ? « Gré » signifie « volonté », et aussi « goût, sentiment ». On le voit dans des expressions comme « de son plein gré » ou « contre son gré ». Acceptes-tu cette explication ?
– Tout à fait, « de mon plein gré ! ».
– Attends, ce n’est pas fini. Voici des mots de la famille de « gratitude » : congratulations, congratuler. Et ce dernier terme est synonyme du mot « féliciter » dont tu sais qu’il signifie « rendre heureux« . Tu vois qu’on est loin de la soumission dont tu parlais au début…
Je reconnais que le mot « merci » a mal commencé sa carrière, avec son ancêtre « Mercy » qui s’adressait à un soudard levant sa masse d’armes.
Tu vas préférer le mot anglais « thank you« , qui vient de “think” (penser). Il est souvent employé pour dire « I will remember what you did for me » (Je vais me souvenir de ce que tu as fait pour moi). Intéressant, non ? C’est l’idée de reconnaissance, en français.
Ce à quoi on répond « You are welcome », c’est à dire : je t’accueille avec plaisir, j’accueille avec plaisir le fait que tu aies de la reconnaissance envers ce que j’ai fait pour te faire plaisir. 😍😍😍
En gros :
- « thank you » veut dire « je suis content(e) de ce que tu as fait pour moi », et je m’en souviendrai, ce qui me rendra encore content(e) à l’avenir.
- « You are welcome » signifie : « je suis content(e) que tu sois content(e) »
En résumé, ils sont contents tous les deux, et la relation est renforcée 🧡. L’idée de gratitude te gratte moins, maintenant ? 🤣😉
– Plus du tout, finalement. Thank you pour l’explication. 😊 Et Gratitude.
– You are welcome. 😊.
Gratitude envers l’argent (première tentative)
– Oh, tu progresses dis donc ! s’exclame le petit lutin, revenu en dansant dès que j’ai écrit ce titre : « Gratitude envers l’argent ».
Tu as compris que la « gratitude » était reliée à la joie, au bonheur (« gratus » : signifie agréable), bravo. Encore mieux : tu commences à envisager d’avoir de la gratitude envers moi, l’argent ! Hier, tu en avais, mais seulement pour mon explication.
Je peux mettre toutes les casquettes, y compris celle de spécialiste en étymologie, mais ma préférée, c’est d’être l’Argent. L’Argent, l’Argent, l’Argent. Débouche tes chastes oreilles, j’ai bien dit : l’Argent. Ce n’est pas un gros mot ! 😂
L’Art Gent. L’Art Gentil.
L’Art Gent. L’art gentil, si on veut jouer finement sur les mots, sans en dire des gros. En quoi puis-je être gentil avec toi ?
– Toi, gentil ? J’avoue que ça ne m’était jamais venu à l’esprit. Pourtant, je reconnais que depuis ces quelques jours où nous avons commencé à briser la glace, je te trouve plutôt sympathique. Et je te reconnais une certaine patience, et même une patience certaine. Gratitude pour ça aussi (J’essaie de m’habituer à ce mot).
Mais je me méfie, quand même… Je reste sur mes gardes.
Méfiance…
Et si tu étais le Serpent du Paradis Terrestre ? Le vil tentateur, super attirant au début, comme les pires pervers narcissiques ? Et si je tombais dans tes filets, que je sois hypnotisée par le bling-bling, au point de vendre mon âme au diable ?
– Okay !!! 😂 Tu n’es jamais à court d’idées pour m’accabler des pires accusations. Heureusement que comme tu le reconnais tout de même, je suis patient ! Très très patient, de t’entendre dire tant de bêtises à mon égard. 🤨
Le Serpent du Paradis Terrestre ! On ne me l’avait jamais faite, celle-ci… Enfin, si : depuis des millénaires, finalement. Les gens qui essaient de m’utiliser comme un esclave, qui « ont beaucoup d’argent » comme vous dites, ces gens vous font croire que je suis mauvais et dangereux !
Comme ça, vous restez à leurs pieds. De « vertueux » esclaves, fiers de l’être. Plus bête, tu meurs.
Vous n’avez pas un tout petit peu le sentiment de vous être faits avoir ? 🙃🙃🙃 😂
Je continue : vous êtes au Paradis Terrestre, là, petits humains aveugles et stupides ? Vous avez une idée de ce que pourrait être le Paradis Terrestre ? Infiniment, infiniment plus que le plus grand bonheur que vous n’ayez jamais connu.
Vous pataugez dans la boue, pauvres petits pantins isolés que vous croyez être, vous croyez que c’est normal et que c’est la vie, et vous n’avez même pas l’idée de regarder les étoiles…
Heureusement que je suis très très très … patient patient patient. Patient et persévérant. 🤔😣😥😓
Et heureusement aussi que tu as une toute petite miette de bonne volonté à mon égard, ce n’est pas encore si répandu. La plupart des gens me crient dessus, ou veulent me réduire en esclavage 🤑. Ceux-là, ils peuvent toujours courir ! 😝😜😂😂😂
Enfin, un peu de bonne volonté ?
Alors, pour la toute petite miette de bonne volonté à mon égard, pour la toute petite faille dans ton abominable cuirasse de rouspétances, JE REVIENDRAI ! Et tu arriveras peut-être à me dire en quoi je peux être gentil avec toi.
En attendant, regarde le Ciel et les étoiles, imagine un peu le Paradis Terrestre et l’immensité de l’Univers.
Il s’envole alors, infiniment léger, dans un grand éclat de rire.